L’édition 2025 de l’étude « State of Learning Technologies » dresse un panorama international des tendances et des priorités des grandes entreprises en matière de Learning. Derrière l’enthousiasme pour l’intelligence artificielle, des questions demeurent : engagement des apprenants, efficacité des dispositifs, choix technologiques… Leçons d’une enquête qui, malgré son ancrage international, éclaire aussi les enjeux des entreprises françaises.
L’IA devient le moteur des stratégies de formation
365 décideurs de grandes entreprises (1 000 salariés et plus) ont été interrogés en Europe (Royaume-Uni, DACH, Benelux, Scandinavie…) et Asie-Pacifique sur leurs pratiques et leurs projets en matière de technologies numériques de formation. L’élément phare qui s’en dégage (qui s’en étonnera ?) : l’IA s’impose comme un levier central : 67 % des personnes sondées estiment que l’IA et le machine learning façonneront les pratiques de formation dans les trois prochaines années, et 25 % prévoient d’investir dans des solutions d’authoring fondées sur l’IA. Cette montée en puissance s’inscrit dans un mouvement plus large de personnalisation des parcours, d’optimisation des contenus, d’automatisation des tâches fastidieuses (recommandation de formations, création automatisée, analyse des écarts de compétences, administration des plateformes LMS…) dont l’IA facilite la gestion et le suivi. Les décideurs français (environ 6 % du panel) y reconnaîtront des enjeux familiers : comment faire plus avec des budgets contraints et des équipes limitées, tout en individualisant leurs réponses à une main-d’œuvre aux profils hétérogènes ?
L’engagement des apprenants : le nerf de la guerre
47 % des professionnels interrogés identifient l’engagement comme le premier défi. Un chiffre qui mérite qu’on s’y attarde. Dans la pléthore actuelle de plateformes et d'outils, de contenus et de formats numériques, retenir l’attention des apprenants est un casse-tête. Autre point : le rapport souligne que 70 % des entreprises utilisent un LMS centralisé (véritable « colonne vertébrale » de l’écosystème numérique de formation) (+25 % par rapport à 2024) et que 62 % recourent à des plateformes d’apprentissage externes comme LinkedIn Learning ou Coursera. Cette diversité des outils ne suffit pas à captiver durablement l'attention des apprenants. Au contraire, cette situation – plus de technologies, mais pas nécessairement plus d’engagement – alimente une réflexion bien connue des responsables formation en France : l’enjeu n’est pas tant d’ajouter des outils que de concevoir « des expériences qui donnent du sens » (vaste sujet).
Mesurer l’efficacité : le grand flou
L’efficacité des dispositifs reste un sujet épineux. 60 % des entreprises s’appuient principalement sur le retour de satisfaction des apprenants pour évaluer leurs formations, devant le taux de complétion des parcours (46 %). Les indicateurs plus approfondis, comme l’analyse des écarts de compétences (27 %) ou l’impact sur la productivité (19 %), sont sous-exploités. Ce constat résonnera dans le contexte français, où les directions formation sont de plus en plus souvent incitées à démontrer la valeur qu’elles créent au-delà du simple retour des participants. La faible adoption d’indicateurs stratégiques montre à quel point la fonction formation peut encore progresser si elle souhaite figurer parmi les acteurs importants de la performance de l’entreprise.
Les budgets en hausse, mais pas sans conditions
Le rapport indique que plus de 60 % des entreprises ont augmenté leur budget technologies numériques de formation en 2025, avec des investissements compris de 50 à 5 millions d’euros par an pour 90 % des entreprises interrogées. Un signal positif à tempérer : derrière l’augmentation des budgets, la pression demeure pour démontrer des résultats tangibles. En France, où les investissements en formation sont soumis à des obligations réglementaires, la tentation est grande d’allouer des ressources aux projets « visibles » ou « à la mode », sans toujours poser les bases d’une stratégie cohérente et durable. L’étude rappelle, en creux, qu’investir dans la technologie ne suffit pas : encore faut-il qu’elle soit au service d’une approche pédagogique solide, alignée sur les besoins métiers.
Des freins persistants : sécurité, compétences, résistance au changement
Malgré l’enthousiasme affiché, des obstacles subsistent. Les craintes liées à la sécurité des données arrivent en tête des préoccupations lors de l’adoption de solutions d’IA, suivies des enjeux d’intégration technique et du manque de compétences numériques en interne. Le rapport mentionne également la résistance au changement : un frein bien connu ici, la culture hexagonale de la formation restant ancrée sur le présentiel et les formats descendants ; on sait que la transition vers des modalités plus agiles (blended, mobile learning) peine encore parfois (mais oui !) à s’imposer…
La formation en entreprise : un laboratoire sous tension
Le rapport « State of Learning Technologies 2025 » (disponible sur scheer-imc.com) dessine un paysage riche d’enseignements pour les responsables formation. L’IA, la personnalisation, l’intégration des technologies : autant de leviers qui dessinent un avenir prometteur… sous réserve de ne pas perdre de vue l'essentiel : l’engagement des apprenants, la pertinence des contenus, la mesure des résultats et l’alignement avec les enjeux métiers doivent rester les priorités absolues. Sans quoi la course à la technologie risque de se transformer en simple empilement d’outils, sans impact réel sur le développement des compétences. Mais cela, on le savait déjà !
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